Dans un contexte de peur épidémique, les restaurants ont dû fermer leur porte pendant le confinement pour se conformer aux directives de l’État. Aux premières loges du contact client, comme de nombreux commerces de détail, on leur a demandé de mettre temporairement la clef sous la porte. Le plus difficile étant qu’une première vague de consignes ayant été donné et s’y étant adapté, ils se sont repris des fermetures de très longue durée sans aucun recours possible pour y surseoir. Certains ont pu se reconvertir en partie, sur la vente à emporter, au fameux click and collect ou à la ubérisation, d’autres non.
Maintenant que les obligations sont levées, pour se substituer à d’autres non moins pesantes (contrôles des entrées et travail de police sanitaire privée), la réouverture des portes est difficile, voire même impossible pour certains établissements. On craint bien sûr, à tout moment, des revirements possibles et des durcissements de l’exécutif qui parle déjà de 5eme vague.
l’effet domino du covid sur les habitudes
La Covid 19, ce n’est pas que les effets de l’épidémie, on s’en rend bien compte désormais. C’est aussi l’effet fermeture mais aussi l’effet domino des mesures sanitaires sur le tissu économique, l’emploi et les habitudes de consommation. Dans le contexte maussade et propice à toutes les peurs, la priorité est souvent devenue la survie. Pour de nombreuses familles ou consommateurs, de nombreuses ont été orientées vers cet objectif, devenu plus important que les autres. Eviter de sortir, ne pas prendre de risque, économiser en prévision de problèmes d’emploi futur. Le pouvoir d’achat des français a aussi diminué avec la crise et la fréquentation des restaurants, devenue difficile pour des raisons de budget a dû être diminuée, elle aussi. Inutile d’ajouter que le pass sanitaire et les vaccins à répétitions compliquent aussi largement ce qui devrait être simplement un plaisir entouré de quelques précautions sanitaires raisonnables.
Il semble aussi que les habitudes des consommateurs ont changé. La majorité d’entre eux ont conservé les pratiques adoptées lors du confinement et préfèrent se faire livrer des repas chez eux plutôt que d’aller manger au restaurant. Certains bons plats, habituellement consommés sur place, sont mis au format prêt à emporter pour faciliter le transport. A ce grand jeu de livraison à domicile, les grandes enseignes qui communiquent à grands renforts de millions sur tous les médias ont tôt fait de damer le pion aux petites maisons et il faut redire ici l’importance qu’il y a pour le consommateur de ne pas oublier, dans ses choix, nos restaurateurs artisans.
Changement de mœurs ou passage à vide
Il est trop tôt encore pour savoir si ces changements sont en profondeur mais il est certain que tant que les mesures continueront de souffler le chaud et le froid, en allongeant sans fin le tunnel Covid, on ne pourra pas le savoir. On préfère parler de « monde d’après » plutôt que de réclamer, haut et fort, celui d’avant. Du confinement au couvre-feu, on voit bien aussi que tout a tendu à se virtualiser : les achats, l’enseignement. Les grands sites d’ecommerce en ligne ont là aussi tirer leur épingle du jeu. On s’est peut être aussi mis à la cuisine, en aspirant à un vrai changement de vie : préparer soi-même son repas, suivre des émissions de cuisine à la télé ou des recettes en ligne. Ce concept a l’avantage d’être plus économique et a suscité l’engouement du plus grand nombre pour le grand malheur des restaurateurs.
D’un point de vue professionnel, on a vu aussi quantité de personnes décider de se réorienter. Ce n’est pas nouveau. Les métiers de bouche sont réputés durs. On met rarement l’emphase sur le fait qu’ils peuvent être aussi gratifiants pour qui s’en passionne. Du fait, ces métiers et leurs établissement ont presque toujours souffert d’un grand manque de main d’œuvre. Alors quant à la faveur des chômages techniques ou partiels, les employés qualifiés en ont profité pour changer de métier; bien malin qui pourra dire comment les faire revenir. Difficile de les blâmer en même temps. Jusque là, les plus courageux avaient au moins miser sur la sécurité de l’emploi pour compenser les heures et l’investissement, mais que penser lorsque pratiquement la totalité du secteur pour lequel vous travaillez se met à fermer, sans absolument aucune visibilité sur la sortie de crise ?
Fermetures définitives
Au total, un constat, le domaine de la restauration figure parmi les plus affectés par la pandémie. La crise sociale et économique engendrée par cette maladie et les conséquences des mesures continuent de creuser le déficit. Les chiffres d’affaires post-covid ne rendant pas viables les affaires liées à la gastronomie, la faillite sonne à la porte pour de nombreux établissements. Les efforts du gouvernement avec le prêt garanti par l’État (PGE) n’ont fait que retarder l’inévitable. Les mesures de redressement de nombreuses entreprises ne leur offrent pour seule alternative que la cession de fonds de commerce. Par ailleurs, qui voudrait encore se lancer dans cet investissement périlleux quand l’exécutif continue de pressuriser les populations avec des mesures susceptibles de se durcir d’une minute à l’autre et selon son bon vouloir ?
Le Conseil National des greffiers des tribunaux de commerce (GNGTC) annonce que 2023 firmes du secteur de la restauration ont dû être liquidées entre avril 2020 et 2021 contre 3289 en 2019. Les chiffres de l’exercice 2020-2021 sont certes moins importants que ceux de 2019, mais restent quand même considérables. De nombreux grands noms de la haute gastronomie ont dû mettre les clefs sous la porte : la Dalle du chef Julien Duboué, le restaurant étoilé Antoine, l’Abeille du Shangri-La Hotel Paris et le restaurant gastronomique Sylvestre Wahid. Cette année encore, le guide Michelin devra être raccourci. Une sortie de cet interminable tunnel Covid et un retour au monde d’avant sont désormais urgents.